La retenue de garantie sur chantier est couramment pratiquée mais pas toujours bien maîtrisée. Il est donc utile d’en rappeler les grandes lignes, d’autant que la législation sur le sujet n’admet aucun aménagement au texte réglementaire.

En quoi consiste la retenue de garantie ?

Créée par la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 (voir encadré), la retenue de garantie est destinée à inciter l’entreprise à exécuter ou réparer les travaux non conformes au contrat. Elle est consignée entre les mains d’un tiers accepté par le maître d’ouvrage et l’entrepreneur ou, à défaut, désigné par le président du tribunal de grande instance ou du tribunal de commerce.
Concrètement, à l’achèvement des travaux, la réception, prononcée contradictoirement entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur, doit être consignée dans un Procès Verbal. Le maître d’ouvrage y mentionne les réserves éventuelles sur l’exécution des travaux. La réception donne lieu au paiement du solde, sauf si le contrat prévoit la possibilité d’une retenue de garantie.

Couvre-t-elle les pénalités de retard?

Non. La retenue de garantie a pour objet de garantir au maître d’ouvrage la bonne exécution des travaux.
Elle permet de couvrir les éventuelles réserves opérées à la réception mais elle ne peut, en aucun cas, couvrir d’autres sommes telles que les pénalités de retard dont l’entreprise pourrait être débitrice.

Son montant est-il variable ?

Non. Dans son article premier, la loi stipule que le montant de la retenue de garantie est égal, au plus, à 5 % de la valeur des travaux.

Des aménagements sont-ils possibles ?

Non. La loi du 16 juillet 1971 étant d’ordre public, toute clause contractuelle qui aurait pour effet de faire échec à ses dispositions serait nulle. Précision importante car il n’est pas rare, en effet, de rencontrer dans les contrats des dispositions contraires à la loi. Celles-ci tombent donc sous le coup de la nullité visée par l’article 3 de la loi.

Existe-t-il d’autres solutions ?

Oui. La loi du 16 juillet 1971 permet à l’entrepreneur d’éviter l’application directe de la retenue de garantie, en fournissant le cautionnement d’un établissement financier. Cette caution lui permet notamment d’être payé pour le montant total de ses travaux ; Le maître d’ouvrage ne pouvant s’y opposer. L’entrepreneur doit désigner, à son gré, l’organisme appelé à souscrire l’engagement de caution (banque, établissement financier, société de caution mutuelle, etc.), sous la seule réserve que cet organisme soit habilité à délivrer de telles cautions et qu’il figure sur la liste fixée par le décret n° 71-050 du 24 décembre 1971. L’engagement de caution doit avoir le même objet que celui de la retenue de garantie qu’il veut remplacer.
Certains actes comportent une clause selon laquelle la caution s’engage à payer à première demande du maître d’ouvrage, sans pouvoir différer le paiement ou soulever des contestations pour quelque cause de ce soit. Une telle clause est illégale et sa nullité peut être invoquée.
A noter que les spécialistes insistent sur l’utilité, pour l’entrepreneur, de choisir la solution du cautionnement dès le commencement des travaux. Cependant, si le cautionnement est souscrit en cours de travaux, il peut réclamer au maître d’ouvrage le paiement des retenues antérieurement effectuées.

Quelles sont les limites de la caution solidaire ?

Le cautionnement donné par un établissement financier comporte trois limites : Seules sont garanties les dettes résultant de désordres ayant fait l’objet de réserves à la réception ; le montant du cautionnement est limité aux sommes que le maître d’ouvrage a le droit de retenir sur le paiement des travaux (5 %) ; la durée de garantie prend fin un an après la réception des travaux.

Quand la caution doit-elle s’exécuter ?

Si le maître d’ouvrage a fait opposition avant l’expiration de l’année qui suit la réception des travaux – et si la caution n’est pas libérée –, il n’en résulte pas pour autant que la caution soit tenue de s’exécuter immédiatement. En effet, cette dernière ne peut être mise en cause avant que l’entrepreneur ne soit tenu d’exécuter son obligation, et elle ne peut être actionnée que s’il n’a pas satisfait à cette obligation. Le maître d’ouvrage doit démontrer que les travaux dont il réclame paiement sont nécessaires pour la levée des réserves émises. En tout état de cause, l’opposition doit être motivée et ne doit pas être abusive.

Les sous-traitants sont-ils concernés ?

Oui. Les dispositions concernant la retenue de garantie ont été étendues au contrat de sous-traitance par la loi du 23 décembre 1972. L’entrepreneur principal peut, sur le paiement des acomptes dus au sous-traitant, imputer une retenue de garantie égale au plus à 5 % sur la valeur des travaux. Cependant, pour être valable, cette retenue de garantie doit obligatoirement avoir pour seul objet de satisfaire aux éventuelles réserves faites à la réception, et être versée entre les mains d’un consignataire et non pas conservée par l’entreprise principale. Cette précaution est utile dans le cas où l’entreprise principale fait l’objet d’une procédure collective. En effet, les sommes ainsi consignées échappent aux créanciers et le sous-traitant peut les réclamer sans qu’il n’y ait d’opposition.
Le sous-traitant peut, lui aussi, s’opposer à l’application de la retenue de garantie stipulée contractuellement, s’il fournit, pour un montant égal, une caution personnelle et solidaire émanant d’un établissement financier. A l’expiration du délai d’un an après la réception et en l’absence d’opposition de la part de l’entrepreneur principal, la caution se trouve automatiquement libérée et la retenue de garantie doit lui être restituée.
Pour éviter toute difficulté, le sous-traitant doit obtenir de l’entreprise principale, un procès-verbal de réception pour démontrer la date certaine de réception. Sinon, il devra fournir un autre élément de preuve.

La retenue est-elle la même pour les marchés publics ?

La retenue de garantie, ou la caution qui la remplace, répond en matière de marchés publics à des règles différentes de celles prévues pour les marchés privés.
Il s’agit notamment de l’objet, de l’étendue et des conditions de mise en œuvre de la garantie.
A la base, lorsqu’ils comportent un délai de garantie, les marchés peuvent prévoir une retenue dont le montant ne peut excéder 5 % augmentés, le cas échéant, du montant des avenants.

Il faut savoir cependant que :

La retenue de garantie et le cautionnement n’existent que pour les marchés des collectivités locales.
Ces deux systèmes ont un objet étendu en couvrant non seulement la garantie de la bonne exécution du marché, mais aussi la garantie du recouvrement dont le titulaire sera reconnu débiteur au titre du marché.
Le titulaire du marché peut remplacer la retenue de garantie par une garantie à première demande (par un organisme financier agréé) ou par une caution personnelle et solidaire (si les deux parties sont d’accord). La substitution peut intervenir à tout moment. Cette garantie ou cette caution doit être constituée en totalité au plus tard à la date à laquelle le titulaire remet la demande de paiement correspondant au premier acompte. Si tel n’est pas le cas, la retenue de garantie correspondant à l’escompte est prélevée et le titulaire perd, jusqu’à la fin du marché, la possibilité de substituer une garantie à première demande ou une caution personnelle et solidaire.
A la fin du délai d’un mois suivant l’expiration du délai de garantie, la caution cesse ses effets, même en l’absence de mainlevée, sauf si l’administration contractante a notifié à la caution, par lettre recommandée, que le titulaire du marché n’a pas rempli toutes ses obligations. Dans ce cas, il ne peut être mis fin à l’engagement de la caution que par la mainlevée délivrée par l’administration contractante.

Quand expire-t-elle ?

A l’expiration du délai d’une année à compter de la date de réception des travaux, faite avec ou sans réserves, les sommes consignées sont versées à l’entrepreneur (même en l’absence de mainlevée), si le maître d’ouvrage ou l’entreprise principale n’a pas notifié au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l’inexécution des obligations de l’entrepreneur.

Faute de restitution, des intérêts de droit sur le montant des sommes consignées courent à compter de la mise en demeure envoyée par l’entrepreneur à l’expiration du délai.

De plus, si dans l’année qui suit la réception, la retenue de garantie n’a pas été restituée, l’entrepreneur peut solliciter une réactualisation s’il prouve un préjudice autre que le retard de paiement déjà réparé par la condamnation aux intérêts.