Histoire de A… et N…

Après 2 visites, un couple se porte acquéreur d’une maison édifiée en 1920 (partiellement rénovée) implantée sur un terrain d’environ 200m² pour un montant de 128.000€ net vendeur. Ils sont notamment séduits par le grenier rendus habitable et deux petites pièces aménagées à la place d’un carport. Ces modifications ont été réalisées par les vendeurs.

Ils prennent possession. Au cours du déménagement, ils remarquent :

  • Que le ballon d’eau chaude ne fonctionne pas,
  • Que la chaudière présente un état de vétusté très avancé et ne peut être réparée
  • Que des radiateurs sont fuyards
  • La présence d’une ancienne cuve à fioul sous le plancher de la cuisine
  • Des infiltrations massives au niveau de l’agrandissement sur la terrasse

    Inquiets, A… et N… mandatent alors le cabinet A.Ct.E. afin de déterminer l’état exact de la construction.

Après une visite attentive des lieux, nous constatons également que :

  • Les maçonnerie sont infiltrantes en sous-sol,
  • La toiture est très vieillissante et infiltrante par endroit
  • La salle de bain des combles aménagées est directement posée sur un parquet bois sans aucune étanchéité
  • La charpente est fragilisée par le déplacement de l’entrait (une pièce maitresse) pour rendre habitable les combles
  • Les combles sont très mal isolés

Notre avis

L’acte de vente regroupe un grand nombre d’informations administratives. Les éléments techniques sont notamment fournis par le biais de la réalisation de diagnostics (obligatoires pour certains et dépendant de l’année d’édification de la construction pour d’autres)

Rappel

  • Amiante : le diagnostic amiante concerne les ventes et les locations de biens immobiliers dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997
  • Le CREP : le diagnostic de Constat de Risque d’Exposition au Plomb est obligatoire pour toutes les ventes et les locations de logements construits avant le 1er janvier 1949
  • Termites : Le diagnostic termites concerne les ventes de biens situés dans une zone à risque (définie par arrêté préfectoral ou municipal
  • Gaz : Le diagnostic gaz concerne tous les logements en vente ayant une installation intérieure de gaz de plus de 15 ans
  • Électricité : Le diagnostic électricité concerne les ventes de logement ayant une installation électrique intérieure de plus de 15 ans
  • ERNMT : L’état des risques naturels, miniers et technologiques est obligatoire pour toutes les ventes et toutes les locations
  • DPE : Le diagnostic de performance énergétique concerne les ventes et les locations de biens équipés d’un chauffage. (Arrêté du 8 février 2012)
  • Métrage Loi Boutin : Il est désormais obligatoire d’indiquer la superficie habitable dans le bail d’une location vide à usage de résidence principale
  • Métrage loi carrez : Pour tout bien en copropriété (calcul de la surface privative), le métrage loi Carrez doit être fourni lors de la signature d’un compromis de vente

Toutefois, ces diagnostics n’assurent pas d’obtenir une transparence technique de l’ensemble du bien.
Dans ce cas précis, les anciens propriétaires ont réalisé eux même les travaux suivants :

  • Modification de charpente pour rendre habitable le grenier (sans déclaration de travaux) avec l’isolation, les cloisons en plaques de plâtre, l’électricité, la plomberie, l’installation d’une fenêtre de toit,
  • Transformation d’un carport en surface habitable sans demande de permis de construire (construction à structure bois « bricolée »).

Concernant la transformation du grenier en zone habitable, plusieurs points sont significatifs

Au début du siècle dernier, les greniers étaient dimensionnés pour reprendre une charge d’environ 90kg/m². Ils servaient à entreposer peu de choses. La modification réalisée ne s’est pas accompagné d’un renforcement du plancher, alors qu’une zone habitable doit reprendre une charge de 150kg/m². Elle prévoit le poids des occupants des lieux, le poids des meubles et le poids du plancher propre additionné des matériaux de renforcement. Il n’est tout de même pas à craindre un risque d’effondrement (sauf attaque fongique ou autre désordre). Le bois se déforme et il sera ressenti une souplesse sous l’action mécanique du pied dans la zone.
Il a été procédé à une modification de la charpente pour obtenir un passage de 1m85. La position de l’entrait (pièce de bois reprenant les efforts des arbalétriers sur lesquelles repose l’ensemble de la couverture : pannes, chevrons, lattes et ardoise) a été déplacée. Ce choix technique fragilise l’ensemble.
Les anciens propriétaires ont installé 20cm de laine de verre directement en sous-face de couverture (sans lame d’air de ventilation). Cela va créer de la condensation avec un vieillissement prématuré des ardoises.
Ils ont également installé une salle de bain directement sur un plancher bois sans avoir procédé à la mise en œuvre d’une étanchéité. Dans le cadre d’un dégât des eaux, un champignon lignivore (qui ronge le plancher) est tout à fait susceptible de se développer.

En inspectant les parties techniques où circulent les gaines, il est observé des infiltrations d’eau en couverture. Les diagnostics ne mentionnent pas d’information à ce sujet. Cependant, le diagnostic amiante précise en petits caractères que le pan de couverture en ardoises est amianté et est très vieillissant avec « risque de dégradation rapide ». Cette information est même reprise dans l’acte de vente à la rubrique « Réglementation relative à l’amiante » mais les acquéreurs indiquent que personne n’a éveillé leur attention sur cette remarque technique. Ils ont relu l’acte de vente au cours de la signature mais le notaire ne s’est pas attardé sur la partie technique, estimant que celle-ci avait été abordée avec le vendeur au cours des deux visites.

Concernant le carport

Cet élément a été transformé en partie habitable sans aucune autorisation. La rubrique « désignation » dans l’acte de vente ne mentionne pas cette zone et encore moins la transformation en deux petites pièces habitables. Ce manque d’information n’est pas sans conséquence. En effet, le notaire rédige l’acte de vente sur la base des déclarations formulées par le vendeur mais éventuellement l’agence immobilière en sa qualité de professionnel. Le notaire doit demander si des travaux faisant l’objet de permis de construire ou d’une demande d’autorisation ont été régularisés.
Dans notre affaire, le notaire et l’agence immobilière sont défaillants. Ils auraient dû réclamer le permis de construire relatifs au carport.
Ce défaut administratif peut conduire à une forte amende, une revalorisation de la taxe foncière et de la taxe d’habitation mais pourrait également conduire à l’obligation de remettre en simple carport la zone puisque les travaux d’aménagement n’ont pas été autorisés.

A retenir

  • Faites vous accompagner d’un expert en bâtiment lors de la visite d’un bien car il est qualifié et outillé pour déterminer sa réalité technique. Cela évite de faire des constats malheureux lors de la prise de possession des lieux
  • Lisez attentivement les diagnostics et ne prenez pas à la légère les indications même si le notaire, l’agence immobilière ou bien le vendeur minimisent leur contenu
  • En cas de travaux à réaliser, essayez d’obtenir des devis provenant d’artisans
  • Demandez si des travaux ont été réalisés par les vendeurs
  • Si oui, en faire la liste et demander à ce que ceux-ci soient inscrits dans l’acte de vente
  • Demandez également si une assurance dommage ouvrage a été contractée. A défaut, le vendeur prend la responsabilité décennale des travaux réalisés par ses soins.
  • Demandez si des travaux de moins de 10 ans ont été réalisés par des entreprises ou des artisans.
    Si oui, en faire la liste et demandez à ce que les travaux soient inscrits dans l’acte de vente
  • Réclamez les copies des devis, factures et attestations assurance décennale
  • Demandez si dans la maison a fait l’objet d’un dégât des eaux et/ou d’un incendie et/ou d’une effraction.
  • Si oui, faire la liste du nombre de dégâts et demander à ce que les dates et types de dégâts soient répertoriés dans l’acte de vente avec la copie des rapports d’assurance et la liste des travaux avec copie des devis, factures et attestation d’assurance décennales des intervenants.

Il est courant de trouver proposé dans un acte de vente la mention suivante « l’acquéreur prend le bien dans son état au jour de l’entrée en jouissance, tel qu’il l’a vue et visité, sans recours contre le veneur pour quelque cause que ce soit et notamment pour mauvais état de la ou des constructions du sol ou du sous sol, vices mêmes cachés, erreur dans la désignation, le cadastre ou la contenance cadastrale». Tel que rédigé, cet article est légal mais peut être discuté. En acceptant la mention « vices même cachés, erreur dans la désignation », les acquéreurs dans cette affaire perdent toute possibilité de recours.

Pour faire valoir leurs droits, A… et N… doivent entamer une procédure contentieuse lourde et couteuse.